Le lavoir

L’économie familiale des classes populaires dans la Rome du XIXe siècle requérait que chaque composant de la famille contribuât par son travail à la subsistance du groupe. Les femmes étaient occupées principalement dans le secteur textile (tisseuses, cardeuses de laine, fileuses), de l'habillement (couturières, pantalonnières, couseuses, ourleuses) et, surtout à partir de 1860, dans l'usine de tabac à Trastevere où elles exerçaient la profession de cigarière (« zigarara »).

Ignoto (secolo XIX), Acquedotto dell'Acqua Vergine, post 1823, olio su tela

Celles qui ne travaillaient pas dans ces secteurs se consacraient au travail domestique comme servantes ou blanchisseuses.
Les lavoirs – endroits publics équipés pour le lavage du linge – étaient des espaces utilisés principalement par les femmes (« lavannare » ou « bucataie ») et, dans une moindre mesure, par des hommes (« lavandieri » ou « bucatari ») dont le métier était de laver le linge pour tout le monde.
Les instruments du métier de la blanchisseuse étaient le savon liquide en morceaux, la cendre de bois, la planche à laver, la « passoire » (un vase en terre cuite percé en bas), le baquet, la toile de chanvre (« ceneraccio »), la cruche (« broccuccia »), la cuve, le chaudron, le réchaud, la louche en métal (« cazza ») et le bâton en bois fourchu.
Pour laver et blanchir le linge, on utilisait la lessive, qui était fabriquée à la maison avec de l’eau bouillante et de la cendre de bois ; appelée « ranno », elle pouvait être douce ou forte selon la quantité de cendre ajoutée à l'eau.
La lessive, comme le savon – fabriqué avec les graisses alimentaires résiduelles, était l'un des rares produits dont la fabrication était libre de toute restriction dès les premières années au XVIIIe siècle ; quiconque pouvait donc subvenir à ses propres besoins de façon autonome.
Pour laver le linge, la manière de procéder était la suivante : le linge sale (« panni sporchi ») se lavait au lavoir avec le savon solide découpé en morceaux ; venaient ensuite le rinçage et l'essorage. On obtenait ainsi un linge propre mais pas blanchi.
Le linge était alors mis dans un baquet de bois revêtu d’un drap. Il y avait sur le fond du baquet un trou, fermé par un bouchon, pour pouvoir laisser écouler l'eau. Une fois le drap placé dans le baquet, on y déposait le linge en voyant à interposer entre deux couches quelques feuilles de laurier pour les parfumer. Dans un chaudron, on portait à ébullition de l'eau avec la cendre ; cet ensemble devait bouillir quelques minutes. On laissait ensuite « reposer » le tout jusqu’à ce que la cendre se fût déposée sur le fond. L’eau qui restait en surface était alors recueillie avec le « broccuccio » (une petite cruche avec une poignée) et versée dans le baquet sur le linge, préalablement recouvert d’un drap afin d’éviter qu’un peu de cendre pût tomber dessus avec l’eau. Le linge ainsi recouvert d’eau bouillie avec de la cendre, reposait dans le baquet pendant toute une nuit. Le lendemain matin, on retirait le bouchon du fond du baquet pour permettre à l’eau de s’écouler. Il fallait alors extraire le linge du « ceneraccio », le secouer, le rincer et enfin l'étendre au soleil, blanc et parfumé.
Le « saponaro » ou fabricant de savon était une figure étroitement liée avec le métier de blanchisseuse. Déjà au XVIIe siècle, des Marchands d'huile et des Savonniers se réunissaient au sein de l'Université romaine. En effet, les deux métiers – celui des « Ogliaroli » et celui des « Saponari » - étaient souvent très proches, probablement parce que le savon se fabriquait à partir de graisses résiduelles, aussi bien animales que végétales. Ils avaient même en commun le saint protecteur, Saint Jean l’Évangéliste, qui avait subi le martyre plongé dans l'huile bouillante
La scène du tableau est située dans le complexe monumental de via del Nazareno, où les eaux conduites par l’Aqueduc de l’Eau Vierge affleuraient en surface. L'aqueduc est le seul, parmi les plus anciens, à être resté presque intact à travers les siècles. En fonction depuis l’époque d’Auguste, il alimente aujourd'hui encore en eau les fontaines de la place Navone et celles de Piazza di Spagna.